Jean-Pierre Rampal (1922-2000)
La personnalité rayonnante, la virtuosité exceptionnelle et les qualités d’interprète de Jean-Pierre Rampal font de lui une figure exceptionnelle de la vie musicale de son temps. Sa curiosité toujours en éveil, et cette disponibilité qu’il savait mettre au service d’œuvres de toutes époques et styles très différents l’ont poussé aussi bien à se mettre au service d’œuvres en création, dont la plupart ont été écrites à son intention, qu’à visiter sans cesse, et avec un bonheur toujours intact, les ouvrages du passé. Le programme du présent concert se veut un hommage rendu à l’homme et à l’artiste, au travers d’une visite sur les sentiers de la musique baroque.
Domenico Cimarosa (1749-1801)
La Symphonie concertante en sol majeur pour deux flûtes et orchestre de Domenico Cimarosa possède bien les qualités de charme, d’équilibre, de légèreté de l’écriture et d’entrain communicatif qui sont les marques du compositeur du Matrimonio segreto. Le recours à un genre peu pratiqué n’entrave nullement la spontanéité de l’inspiration. Les deux flûtes sont nettement individualisées, mais elles se fondent fréquemment dans la texture orchestrale, tissant à la fois entre elles et avec les autres instrumentistes un dialogue enlevé et soutenu.
Certes, le compositeur lyrique affleure souvent, à la fois au travers de la générosité mélodique, du traitement quasi-vocal des deux solistes, et de cette forme d’allégresse communicative qui est le propre de l’opera buffa italien, mais la qualité du discours orchestral ne laisse aucun doute sur le genre symphonique ici revendiqué.
Chacun des trois mouvements, Allegro, Largo et Rondo, se présente comme une structure très claire, délaissant les sortilèges contrapuntiques au profit d’une immédiateté expressive qui n’est jamais chez Cimarosa synonyme d’un quelconque renoncement dans la qualité de la facture ni dans la densité de l’inspiration mélodique.
Albert Franz Doppler (1821-1883)
Albert Franz Doppler conjuguait une vocation de compositeur avec un talent de virtuose de la flûte. Son œuvre abondante touche autant aux domaines lyriques et symphoniques qu’à la sphère concertante.
Le Concerto pour deux flûtes et orchestre en ré mineur révèle l’assimilation par le musicien d’influences composites, fondues en un geste compositionnel parfaitement équilibré et cohérent. De l’esthétique baroque, Doppler retient une forme de gourmandise envers le geste concertant, une fantaisie qui irrigue l’œuvre entière, tout au long de ses trois mouvements, avec une volonté manifeste de surprendre constamment l’auditeur. Mais son orchestration claire, le souci toujours d’une parfaite lisibilité du discours et d’une écriture aérée montrent que la leçon du classicisme ne l’a pas laissé indifférent.
Plus que par un souci d’intensité dramatique, quoique le choix de la tonalité mineure induise l’inscription dans un contexte parfois plus tendu, c’est par une imprégnation des musiques populaires que l’œuvre se rattache à l’émergence progressive des écoles nationales au XIXe siècle.
Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755)
Concerto pour 5 flûtes seules
Le style italien prévaut dans les Concerti pour cinq flûtes à bec de Joseph Bodin de Boismortier Contemporain de Jean-Philippe Rameau, le musicien a toujours manifesté, dans sa musique de chambre comme dans son legs concertant, un goût évident pour les combinaisons instrumentales rares, et un culte pour l’élégance et le raffinement qui font de lui un représentant de choix du XVIIIe siècle français, dans toute sa spécificité. Le goût italien se manifeste ici par la primauté accordée à l’élément mélodique et par un discours tourné vers le plaisir musical.
Parfait connaisseur des possibilités techniques et expressives de tous les instruments pour lesquels il compose, Boismortier voit en la flûte un chanteur tour à tour sentimental et véloce, et se meut avec une confondante aisance dans l’univers euphonique proposé par les cinq flûtes, d’autant plus que la basse continue est ici facultative.
Chacun des brefs mouvements est conçu comme un tout autonome, et le concerto, dans son ensemble, se situe à mi-chemin de la structure concertante traditionnelle et de la suite si inscrite dans le goût français de l’époque. Il est à noter que le compositeur spécifie clairement que l’œuvre est pensée pour cinq flûtes, mais peut également être interprétée sur des groupes laissés au choix des interprètes (cinq violons, cinq hautbois), ce qui témoigne sans conteste de la plasticité de son inspiration.
Antonio Vivaldi (1678-1741)
L’art d’Antonio Vivaldi est immédiatement identifiable dans le Concerto pour piccolo et orchestre en ut majeur. Écriture cursive, sentiment d’une intarissable joie de créer, coupe en trois mouvements individualisés fidèle à la succession vif – lent – vif, concision du propos, utilisation toujours originale des conductions par marche d’harmonie, tout manifeste dans cette page aérienne une quintessence de l’esthétique baroque, dans laquelle la facilité apparente masque à la fois la virtuosité du soliste et le savoir-faire indéniable du compositeur.
Wolfgang Amadeus Mozart
C’est en 1779 que Wolfgang Amadeus Mozart compose la Symphonie n°33 en si bémol majeur K. 319.
Les circonstances de la composition sont inconnues, et l’œuvre ne comprenait au départ que trois mouvements, le menuet n’ayant été ajouté qu’a posteriori en 1783 à Vienne.
L’orchestre utilisé comprend, outre les cordes, deux hautbois, deux bassons et deux cors en si bémol, soit une formation plus restreinte que dans les symphonies voisines, mais la modestie relative de la formation n’empêche nullement l’œuvre de déployer des qualités de forme et d’expression tout à fait saillantes.
Le premier mouvement, Allegro assai, va confronter deux thèmes, dont le premier se signale par l’élégance de sa ligne et le second par son côté dansant, souligné de piquants chromatismes. Contre toute attente, le développement central va faire apparaître un troisième thème, qui va jouer jusqu’à la fin du mouvement, un rôle de plus en plus important. Mozart joue en maître avec les données de la forme sonate, dont il ne cesse de creuser les implications et les possibilités.
Deux motifs, dont l’un plus mélodique et l’autre plus contrapuntique, vont servir d’épine dorsale à l’Andante moderato. Ce mouvement, sur lequel passe fugitivement une ombre de mélancolie, constitue l’un de ces moments de grâce sereine dont Mozart a le secret.
Le Menuetto prendra l’aspect d’une danse populaire rustique et vigoureuse, avant que le Finale au rythme de tarentelle ne propose une étonnante abondance thématique qui nous entraîne au fil d’un tempo qui jamais ne faiblit dans une construction dont le naturel complète la rigueur.
(Communiques/Opera de Marseille)
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